Un appartement témoin a été reconstitué comme il avait été imaginé par l’architecte constructeur Auguste Perret lors de la reconstruction du Havre après les bombardements de la seconde guerre mondiale. Du design global dans toute sa splendeur, et des valeurs modèles trop souvent oubliées par notre société aujourd’hui. Des valeurs qui mettent l’ergonomie au centre de toute création, des valeurs qui offrent aux habitants leur « droit au calme, à l’air, au soleil, à l’espace ».
Le mobilier de René Gabriel et Marcel Gascoin (grands défenseurs du meuble en série, de sa modestie et de son aspect fonctionnel) est tellement en phase avec le reste. Les imprimés, les objets, tout est cohérent. Un régal pour les yeux. Je pense à mes arrières-grands-parents qui ont été relogés dans un appartement comme celui-ci après avoir tout perdu et je souris, ils en faisaient une tête ! Au secours les « dommages de guerre » !
Ils la boudaient cette modernité décidément trop moderne : chauffage collectif à air pulsé, machine à laver, fer à repasser de chez Calor, réfrigérateur Frigidaire, évier en inox avec deux bacs, cocotte minute L’Auto Thermos, vide ordures… [comme j’aime ces marques désuètes]
Ce confort moderne n’arrivait pas à leur faire oublier leur demeure bourgeoise détruite et tant regrettée. Une fois encore, tout est relatif : aujourd’hui ces appartements ingénieux et généreux avec balcon ou grande terrasse sont très cotés. Dans les années 50, quand ils ont été livrés, ils ont été perçus comme des cages à lapins. Les habitants cachaient les piliers apparents en béton bouchardé car ils ne comprenaient pas leur beauté fonctionnelle. Pourquoi le charme se découvre avec l’âge et avec le décalage ?
Aujourd’hui seulement, depuis que Le Havre a été reconnu par l’Unesco (premier ensemble urbain européen du XXè siècle inscrit au patrimoine mondial), les yeux se posent autrement et la ville est reconnue comme belle, au-moins par une certaine catégorie de personnes…